Bernard Stalter : ses ambitions pour l’artisanat (2/4)
Concernant l’apprentissage, comment faire évoluer les mentalités ?
50% des chefs d’entreprise sont passés par l’apprentissage et 85 % des jeunes qui sortent de l’apprentissage trouvent un emploi… Ce sont là des chiffres très parlants dont les candidats aux présidentielles ou aux législatives ne sont malheureusement pas assez conscients ! Les orienteurs de l’Éducation nationale devraient être affectés dans les régions, au plus près du terrain, puis développer leurs centres de formation et de vraies filières artisanales. Les recteurs sont favorables à une démarche artisanale mais les principaux de collège ne suivent pas toujours, alors que c’est là que l’orientation se décide. Plus qu’un combat, favoriser l’apprentissage doit être un leitmotiv vis-à-vis de ces jeunes qui, demain, sont sûrs de trouver un emploi chez nous, d’avoir leur propre entreprise, de diriger, développer, gérer des collaborateurs. Cette semaine, sept Régions se sont mobilisées pour favoriser l’entrée dans l’apprentissage jusqu’à 30 ans, contre 25 ans actuellement (NDLR : cette interview a eu lieu le 5 janvier). Toute mesure qui est prise pour que des jeunes choisissent l’alternance est une aubaine. Il vaut mieux valoriser l’apprentissage que de créer des contrats d’avenir comme l’ont fait les politiques actuels. Donnons à nos jeunes un socle tout de suite, motivé par leur passion et leur envie, plutôt que d’attendre qu’ils se retrouvent plus tard sans emploi ou formation. C’est un travail à faire auprès de leurs parents, de l’Éducation nationale et des jeunes eux-mêmes…
Pensez-vous qu’il y a un manque d’implication de la part du ministère de l’Éducation nationale ?
Je vais être plus dur que vous : il n’y a pas d’implication du tout de sa part ! Le ministère valorise uniquement ses propres filières. Donner de la dignité et du travail aux jeunes, c’est un rôle citoyen et peu importe qui le fait s’il le fait bien ! Que l’on soit à l’Éducation nationale, au secrétariat d’État chargé de l’Artisanat, dans une chambre consulaire ou dans une organisation professionnelle, chacun doit apporter sa petite pierre à la construction de notre pays. Il faut redonner de la confiance à nos jeunes, ce dont notre pays manque aujourd’hui cruellement ! Les artisans, eux, peuvent donner cette confiance car ils sont présents sur l’ensemble du territoire : dans les vallées, dans les centres-villes, dans les cités, de 4 heures du matin avec les boulangers jusque tard dans la nuit avec les dépanneurs !
"L'inversion de la courbe du chômage ne dépend pas que du politique, tout le monde doit y contribuer."
Comment inciter les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) à doper leurs efforts en matière de formation ?
Aujourd’hui, les compétences de formation sont données aux conseils régionaux dans le cadre de la loi NOTRe (NDLR : Nouvelle organisation territoriale de la République). Je m’efforcerai très vite de signer une convention-cadre avec le président des Régions de France car il est impératif d’amplifier le travail de coopération entre les présidents de chambres de métiers et de l’artisanat et les présidents de conseils régionaux, ces derniers ayant déjà bien compris, eux, que l’avenir et l’inversion de la courbe du chômage passeront par l’artisanat et la formation. Je veux d’ailleurs rendre ici hommage à mon prédécesseur, Alain Griset, qui a eu l’idée lumineuse de lancer les URMA (NDLR : Universités régionales de métiers et de l’artisanat), que nous devons continuer à développer pour tirer nos métiers vers le haut, les professionnaliser encore plus. Nous devons former nos jeunes, aller vers des niveaux II et III… Aujourd’hui, nous, artisans, avons cette force et cette spécificité d’être à la fois des professionnels mais aussi des managers, des comptables, des producteurs… C’est cette force-là qui n’est pas encore assez valorisée et qui est enseignée dans nos centres de formation. C’est pourquoi nous, CMA, devons absolument nous adapter aux attentes et aux disponibilités du chef d’entreprise qui n’a pas la possibilité de quitter son entreprise une semaine pour se former.
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