Baisse des coûts-contrats : les CMA tirent la sonnette d’alarme
Les politiques en faveur de l’apprentissage portent leurs fruits : jamais la France n’a compté autant d’apprentis, dont 201.000 rien que dans les métiers de l’artisanat (1 apprenti sur 4).
Comment alors expliquer ce nouveau coup de rabot sur les niveaux de prise en charge des "coûts-contrats" annoncé par le gouvernement ?
Joël Fourny, lui, ne s’avoue pas vaincu. Au nom des CMA et de ses 137 CFA, il monte au créneau depuis juillet dernier et alerte sur cette décision qui menacerait très significativement l’artisanat tout entier.
Les CAP particulièrement menacés
"Aujourd’hui notre outil de formation fonctionne, fait l’objet d’investissement et permet de former à des métiers rares, en proximité, parce que ces formations qui sont déficitaires restent minoritaires. Les marges qui existent nous permettent d’équilibrer la charge qu’elles représentent. Demain, cela pourrait ne plus être le cas", affirme Joël Fourny.
Exemple chiffré à l’appui : avec une baisse de près de 8% du financement des formations emblématiques de l’artisanat comme les CAP ("là où pourtant l’apprentissage produit les meilleurs effets"), 57% des formations deviendraient déficitaires, selon les projections de CMA France, ce qui représente 55% des effectifs actuels, tant dans des métiers rares (facteur d’orgues, vitraillistes…) que dans des secteurs déjà en tension (boulangerie, boucherie…).
"Le pire des scénarios nous amènerait à ne plus signer de contrats d'apprentissage dans les formations déficitaires lors de la prochaine campagne de recrutements, en mars 2024. Comment l'imaginer ? Donnez-nous les moyens de continuer à former !", Joël Fourny
"L’effet domino de cette décision c’est que nous n’aurons plus la capacité de répondre aux besoins de formation des jeunes comme des entreprises dans de très nombreux métiers. Et si vous ne formez plus à ces métiers, ils sont très clairement menacés", abonde-t-il.
Un risque pour les CFA ruraux et les formations aux métiers rares
Parmi les principaux risques évoqués par CMA France :
- La baisse de la qualité des formations,
- L’arrêt des formations à faibles effectifs déjà fortement déficitaires,
- La fermeture des CFA de proximité pour regrouper les effectifs.
Des conséquences qui seraient très lourdes, notamment dans les zones rurales où la réussite de la formation par apprentissage repose sur la possibilité, pour les jeunes, de pouvoir se rendre facilement dans leur CFA ou d'être embauché dans une entreprise locale, en proximité.
Les formations aux métiers rares payeraient également un lourd tribut, comme l’a illustré Christophe Richard, président de la CMA Grand Est, prenant l’exemple de la formation de facteur d’orgue : "Cette formation unique en France est dispensée dans un CFA en Alsace. Elle accueille 8 stagiaires par session et est déjà en déficit. Avec des coûts-contrats à la baisse, elle risque tout simplement de disparaître".
Autre exemple en Nouvelle-Aquitaine, fourni par Gérard Gomez, président de la CMA de région : "Nous avons sur notre territoire les seules formations en tonnellerie mais l’un de nos CFA n’est plus aux normes. Il nécessiterait un investissement de 5 M€. Un coût qui m’interroge, surtout si nous n’avons plus les moyens de maintenir cette formation…"
Des réponses attendues
Depuis juillet dernier, CMA France n’a cessé d’alerter le gouvernement sur les conséquences d’une telle décision. Plusieurs courriers, cosignés avec d’autres acteurs de la formation, ont été adressés au Président de la République et à la Première ministre.
Joël Fourny a également fait part de ses inquiétudes très récemment à Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels. Sans réponse à ce jour…
"Nous devons nous remettre autour de la table pour revoir ces méthodes de financement. […] Nous demandons à sortir d’une logique arithmétique pour que les coûts-contrats s’adaptent aux besoins du terrain", martèle Joël Fourny.
"Cette décision est injuste, incompréhensible et inacceptable. D'autant plus quand on sait que le besoin de main-d'œuvre est extrêmement important, qu'il y a un enjeu de reprise des entreprises, et que le président de la République vise l'objectif d'un million d'apprentis en France", Joël Fourny
Le réseau des CMA demande ainsi instamment au gouvernement un report de cette baisse et réitère son appel à lancer une véritable concertation sur le financement durable de l’apprentissage en France…
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