Chic, un chausson !

On lui donne quatre siècles d’existence. Imaginée dans la région qui porte son nom, la charentaise est née du recyclage des feutres autrefois utilisés pour sécher le papier dans l’industrie papetière. Si son succès a longtemps soutenu l’économie locale, la célèbre chaussure d’intérieur a pourtant bien failli disparaître de son creuset d’origine au tournant des années 2000. Le bulldozer mondialisation passait par là, laissant derrière lui un secteur artisanal exsangue et dévasté.

En 2005, le département de la Charente et sa région tutélaire, soucieux de redynamiser le secteur de la production de la charentaise, sollicitent l’Institut français de la mode et ses étudiants pour élaborer une "nouvelle version" de la traditionnelle pantoufle. Le résultat de ce travail, exposé au Salon Maison & Objet en 2008, rencontre un grand succès... mais ne trouve pas de suite. Pour Jean-Luc Bouriau, le challenge est trop beau. "Je me suis positionné pour reprendre ce principe d’un chausson à revisiter, tant il me parlait", raconte l’homme qui s’engage en 2010 sur Angoulême dans l’aventure de La Charentaise Tcha.

Nouvelle vie

"Ce projet réactivait des souvenirs d’enfance, lorsque je m’essayais à la création aux côtés de mon grand-père, patronnier. Issu des beaux-arts, le design faisait également partie de mon ADN et de ma pratique. Je retrouvais les matières, les couleurs…" Tout est fait pour allier design et tradition. "L’idée était vraiment d’effectuer un travail de fond sur la préservation du savoir-faire, tout en revoyant le style de l’objet". La technique du "cousu-retourné", geste manuel inchangé depuis un siècle, est notamment conservée. Mais avec ses formes épurées et contemporaines, Tcha redessine le chausson mythique pour se muer, avec son feutre de laine foulé, son lin, son cuir lisse pleine fleur et velours, en accessoire de mode. De façon assumée. "L’objectif était de positionner dès le départ le produit sur le marché du luxe." Un créneau gagnant : en à peine cinq ans, La Charentaise Tcha a rencontré son public à l’international, sur des marchés "sensibles à l’histoire, au savoir-faire et à la qualité", tels l’Italie, le Japon ou les États-Unis.

Se montrer inventif en matière de design offre des occasions d’être valorisé. Cette année, l’entreprise est sortie lauréate du Prix national de l’Observeur du Design (cf. encadré). Une vraie reconnaissance, pour tout l’investissement créatif, matériel et humain engagé. Une communication bienheureuse, également, pour la nouvelle charentaise 100 % made in France qui a "engendré des contacts, de la sympathie et de nouveaux clients. On se dit que, finalement, on a bien travaillé". En plein développement, La Charentaise Tcha se positionne désormais sur l’obtention du prestigieux label EPV.

www.lacharentaise-tcha.com