Sophie Bejean, rectrice de l'académie de Strasbourg

« Des échanges précieux avec la Chambre de Métiers »

Le 24/06/2019
par CM Alsace
Interview. La loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, impacte fortement la filière de l’apprentissage et soulève des questions sur l’orientation des jeunes. Sophie Bejean, rectrice de l’académie de Strasbourg, nous livre son point de vue sur cette grande réforme et sur les liens forts qui unissent l’Éducation nationale et la Chambre de Métiers d’Alsace.
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Sophie Bejean,  rectrice de l'académie  de Strasbourg.

Le Monde des Artisans ▶ Vous êtes en relation régulière avec la Chambre de Métiers d’Alsace, qu’apportent ces échanges ?

Ils sont très précieux ! La Chambre de Métiers d’Alsace est d’ailleurs l’un de nos partenaires économiques privilégiés, compte tenu de la place de l’artisanat sur nos territoires et du soutien de la CMA aux formations par apprentissage.

L’académie de Strasbourg entretient de longue date des relations étroites avec le monde économique et c’est bien l’une de nos missions. Cela nous est très utile pour faire connaître à nos élèves les métiers, les débouchés…, et ils sont nombreux dans l’artisanat. Nous avons aussi à leur faire découvrir le monde professionnel et de l’entreprise. Cela nous est très utile également dans le cadre de nos formations professionnelles, dans les lycées professionnels et dans les CFA. Ces formations tirent leur qualité de l’articulation entre les enseignements généraux et les enseignements professionnels, de l’alternance entre périodes de formation et stages ou périodes en entreprise. Mais elles tirent aussi leur qualité de la place des professionnels auprès des formateurs. Les liens sont donc étroits entre nos lycées professionnels et nos 15 CFA avec la CMA et les différentes branches de l’artisanat.

Nos échanges avec la CMA sont tout aussi précieux pour définir et adapter notre carte de formations en fonction des besoins des entreprises. Nous avons tout intérêt, avec la CMA qui a ses propres CFA, d’échanger pour nous positionner en complémentarité et éviter les concurrences stériles. C’est l’intérêt des jeunes en formation, c’est aussi l’intérêt des entreprises.

LMA ▶ La réforme de l’apprentissage est en cours, quel est votre regard sur cette loi ?

L’objectif de la loi est de sécuriser les parcours professionnels en facilitant l’accès à la formation, dès la formation initiale et tout au long de la vie. Nous avons donc à nous saisir des nouveaux outils et leviers proposés par la loi à la fois pour mieux former les jeunes, notamment via l’apprentissage, mais aussi pour donner des nouvelles opportunités aux adultes grâce à la formation continue dans laquelle l’académie de Strasbourg est aussi engagée avec son réseau de Greta. La loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel est une véritable opportunité pour développer l’apprentissage largement dans tous les domaines. Elle permet à tout opérateur de formation qui le souhaite de proposer des formations par apprentissage pour peu qu’il en fasse la déclaration auprès des services de l’État. Il s’agit là de donner un signe fort sur la volonté de développer ce mode de formation en alternance dont on connaît les effets positifs pour la formation professionnelle et pour l’accès à l’emploi des jeunes.

Pour autant, c’est un nouveau modèle économique qui s’ouvre avec des modalités de financement au « contrat d’apprentissage » dont les effets sont encore inconnus aujourd’hui mais qui vont nécessiter, c’est certain, de revoir nos modes d’organisation. Nous nous y préparons d’ores et déjà pour mutualiser et renforcer le pilotage de nos formations par apprentissage.

LMA ▶ Quelles mutations paraissent prioritaires à enclencher pour le rectorat ?

Historiquement, l’académie de Strasbourg a développé une offre de formation en apprentissage dans ses lycées en partenariat étroit, entre autres, avec la Chambre de Métiers d’Alsace.
Avec l’ouverture de l’apprentissage sur le marché concurrentiel, il s’agit pour le rectorat de Strasbourg de fédérer les 15 CFA en « Établissements publics locaux d’enseignement » pour affronter les nouvelles exigences qui s’imposent, en particulier celle liée à la certification qualité des organismes de formations.

Par ailleurs, au fil du temps, nous avons su trouver le juste équilibre entre les offres de formation par apprentissage, qu’elles soient publiques, consulaires ou de branche. Avec 5 500 apprentis en établissements publics sur un total de 15 000 apprentis sur le territoire alsacien, nous pouvons dire que notre modèle a fait ses preuves.

Notre future organisation doit donc pérenniser ce que nous avons su construire ensemble et veiller à tirer profit de nos complémentarités.

LMA ▶ Avec cette nouvelle loi, les lycéens bénéficieront de 54 heures consacrées à leur orientation dans leur cursus. Comment le rectorat se positionne sur ce sujet et quelles sont les pistes de travail ?

La formation à l’orientation de nos élèves fait partie depuis longtemps des missions des établissements et des enseignants. C’est le Parcours Avenir, qui débute d’ailleurs dès le collège. L’identification dans le cursus du lycéen de 54 heures dédiées à l’orientation en 2nde est un signe fort de la volonté du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, de nous donner tous les leviers. Nous pourrons ainsi mieux accompagner les élèves, leur faire découvrir des métiers, par des forums, des rencontres, des visites d’entreprises, des immersions… C’est ainsi que nous les préparerons à construire leur projet d’orientation et à choisir un cursus de formation qui corresponde à leurs ambitions.

La voie professionnelle y a toute sa place, de même que la voie générale et technologique. Et c’est là que nos partenaires de l’entreprise et de l’artisanat sont essentiels. Nous avons déjà un service en charge de la relation école-entreprise mais, plus localement, les comités locaux « école économie » qui associent sur un même territoire collèges, lycées, artisans et entrepreneurs, doivent être les lieux où s’organise le volet « découverte du monde professionnel et des débouchés » dans ces 54 heures. Par ailleurs, j’ai souhaité expérimenter cette année la mise en place de référents apprentissage au collège, pour mieux informer les élèves de 3e sur les métiers et les modalités de formation par apprentissage. Nous travaillerons ensemble, avec la CMA, pour que nos référents apprentissage puissent relayer efficacement l’information relative aux formations de l’artisanat. Ces évolutions sont stimulantes, et je me réjouis de ces collaborations présentes et futures.

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