« La facture d’orgues est la vitrine d’excellence de l’artisanat alsacien »
3 questions à Patrick Armand, gérant de la Manufacture d’orgues Muhleisen
L'été dernier, l’Alsace a accueilli le 31e Congrès mondial des facteurs d’orgues 2023. Un événement dont vous avez été l’un des coordinateurs. Que représente ce genre d’événement pour le territoire ?
Cela faisait longtemps que le congrès n’avait pas fait escale dans le Grand Est et en Alsace et c’est toujours une fierté de montrer notre patrimoine alsacien à plus de 150 congressistes venus de 19 pays différents ! Tous ont été impressionnés par la pluralité des orgues de la région Grand Est, en partant de Wissembourg jusqu’à Burnhaupt-le-Haut, en passant par Nancy et Lunéville…
Ce genre d’événement favorise le rayonnement à l’international de notre savoir-faire, dans nos petits villages. Je retiens aussi des grands moments d’échanges confraternels entre tous les participants.
Le métier de facteur d’orgues fascine et, pourtant, vous n’arrivez pas à attirer autant de jeunes que vous l’aimeriez. Pourquoi ?
L’activité de facteur d’orgues représente aujourd’hui 220 salariés environ sur le territoire dont 50 % sont des artisans seuls. Nous avons connu une décroissance des appels d’offres mais, depuis 4-5 ans, grâce au plan de relance du Gouvernement et au plan Cathédrale, le secteur connaît une embellie.
Aujourd’hui, le Centre de formation d’Eschau accueille une vingtaine d’apprentis, là où nous n’en avions qu’une dizaine il y a encore quelques années. Cela va dans le bon sens, d’autant plus que nous devons nous adapter aux évolutions techniques et technologiques de notre métier, que les jeunes sauront maîtriser à merveille, en complément de leurs compétences solides sur les orgues mécaniques. C’est aussi notre rôle, en tant que chef d’entreprise, d’accueillir ces apprentis comme il se doit et de faire connaître au plus grand nombre notre métier.
Êtes-vous satisfait de l’accompagnement qu’offrent la CMA et la Région Grand Est à la filière ?
Le président de la CMA, Jean-Luc Hoffmann, est très fier de son école nationale et n’hésite pas à rappeler que la facture d’orgues est « l’activité phare de l’artisanat alsacien ». ll participe à notre rayonnement.
Tout comme la Région Grand Est qui nous soutient dès qu’elle en a l’occasion. Nous aimerions, maintenant, qu’un coup de pouce soit donné à la problématique de l’export, qui n’est pas assez développé en France.
Quentin Blumenroeder, gérant de la Manufacture Blumenroeder
« Originaire du sud de la France, je me suis installé en Alsace après avoir fait mes armes chez Rémy Mahler et à Paris, en restauration de clavecin, une expérience qui m’a complétement changé philosophiquement et techniquement.
Actuellement, au sein de ma manufacture, nous travaillons sur trois créations et nous nous lançons dans la restauration de l’orgue de Lautenbach datant de 1791, dont l’un des organistes rejoindra notre équipe en tant qu’apprenti. Il travaillera donc sur son propre instrument, qui sera une expérience formidable pour lui.
J’accueille aujourd’hui quatre apprentis et nous sommes toujours heureux de pouvoir les former. L’excellence du savoir-faire français réside dans sa longévité et dans sa dimension patrimoniale. Même si aujourd’hui le nombre d’apprentis est trop insuffisant, je garde espoir qu’il y aura un regain d’intérêt pour ce métier séculaire. Une volonté soutenue par la CMA et la Région Grand Est. »
Jean-Luc Hoffmann, président de la CMA
« La facture d’orgues a vraiment quelque chose d’exceptionnel, entre le mythe, le mystique et le sacré. L’Alsace compte 1 300 orgues soit 10 % de tous les orgues répertoriés sur tout le territoire français. À la Chambre de Métiers d’Alsace, nous sommes fiers de ce patrimoine, d’autant plus fiers que nous accueillons, au Centre de Formation Bernard Stalter, le seul centre de formation national de la facture d’orgues.
Si les échanges à l’occasion du 31e congrès mondial de la facture d’orgues ont une nouvelle fois montré les valeurs défendues par ces passionnés, le respect qu’ils ont pour ce majestueux instrument et la confiance qu’ils ont dans l’avenir de leur métier, il n’en reste pas moins vrai que la baisse des niveaux de prise en charge permettant le financement des contrats d’apprentissage menace cette formation et que nous cherchons actuellement des solutions pour la pérenniser avec nos partenaires. »
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