L’artisanat au-delà des frontières
En Alsace, il n’est pas rare qu’un artisan soit confronté au travail transfrontalier… parfois involontairement. Comme le confirme Cécilia Kieffer, conseillère spécialisée en la matière à la Chambre de Métiers d’Alsace (CMA) : « Il arrive qu’un artisan soit sollicité car ses prix sont jugés plus compétitifs par un client étranger. De par leur proximité avec la frontière, des entreprises alsaciennes peuvent aussi être envoyées sur des chantiers à l’étranger par des donneurs d’ordres pour qui elles sous-traitent certaines prestations… » Et, bien sûr, l’artisan peut également être dans une démarche volontaire et pro-active : « Soit il a développé un produit de niche, dont la singularité ou la plus-value "made in Alsace" peut séduire une clientèle étrangère, soit il a besoin d’élargir sa zone de chalandise ou d’augmenter ses marges, et se tourne donc vers des pays limitrophes comme la Suisse et l’Allemagne ». Quel que soit le cas de figure, une préparation en amont est nécessaire !
Des formalités à ne pas négliger
Même si, paradoxalement, c’est dans le bâtiment que les obligations réglementaires sont les plus fastidieuses, ce sont ces artisans qui traversent le plus régulièrement les frontières, notamment allemandes ou suisses. Mais les métiers de l’alimentaire et des services ne sont pas en reste… « Notre rôle est de leur expliquer ce qu’implique d’aller travailler à l’étranger : les réglementations propres à leur activité (par exemple, un menuisier qui pose des portes en Suisse doit vérifier que celles-ci ne sont pas soumises à des normes pare-feu locales), leurs obligations sociales (les déclarations préalables de détachement à accomplir s’ils ont des salariés) et fiscales (quelle TVA appliquer, à quel pays la reverser…), ce que cela va leur coûter en termes de temps (gestion administrative, passage aux douanes…), comment recalculer le tarif de leurs prestations en conséquence, les agréments nécessaires pour ceux qui interviennent sur les réseaux d’eau, de gaz ou d’électricité », énumère Cécilia Kieffer. Autant d’éléments à ne pas prendre à la légère car « l’Allemagne, le Luxembourg ou la Suisse sont au moins aussi procéduriers que la France, et les contrôles très fréquents ! » De même, « les clients sont de plus en plus informés sur leurs droits et leurs devoirs, et veillent à la conformité des devis ».
Pour être au fait des réglementations en vigueur et bien informer ses ressortissants, la Chambre de Métiers d’Alsace est un membre actif de TransInfoNet, avec ses homologues allemands (Landau, Karlsruhe, Freiburg) et suisses (Bâle Campagne). Ce réseau, construit grâce à des fonds européens et alimenté conjointement par chacune des instances, est une mine d’informations essentielles. D’autant que la législation, par exemple en matière de travail détaché, est soumise à de fréquentes évolutions à l’échelon européen.
La touche alsacienne
Vous pensez que l’export est réservé aux grandes entreprises ? Détrompez-vous ! Avec l’attrait des consommateurs pour les produits locaux et traçables, les artisans alsaciens ont la cote chez leurs voisins. « Culturellement, un Sarrebrückois a plus d’affinités avec un Alsacien qu’avec un Berlinois », confirme Cécilia Kieffer. Confitures, biscuits, mais aussi pièces de chaudronnerie industrielle ou de métallerie (par exemple, les serres de jardin pour les particuliers) s’y vendent bien ! En revanche, il est certain que se lancer sur un marché international demande plus de temps qu’une approche régionale ou nationale. L’export s’organise sur le long terme et impacte intrinsèquement votre entreprise, comme le confirme la conseillère de la CMA : « Au préalable, posez-vous les bonnes questions : quelle est votre valeur ajoutée ? Qui sont vos concurrents ? Votre produit fait-il l’objet d’une régulation particulière (étiquetage, grammage alimentaire, conditionnement…) ? Vos documents commerciaux sont-ils adaptés ? Traduits dans la langue du pays ? Vos conditions générales de vente sont-elles conformes ? Une réflexion qui vous permettra au passage de mettre à plat toute votre organisation… » Envisagez également "l’après" : si ça fonctionne, qui sera en charge des contacts avec l’étranger en interne ? Aurez-vous les bases suffisantes en allemand ou en anglais ? Comment fixerez-vous vos prix selon le marché auquel vous vous destinez ? Comment ferez-vous face à la charge de travail supplémentaire pour honorer les futures commandes ? Durant toute cette phase de lancement, encore une fois, les conseillers de la CMA vous accompagnent et vous aident à y voir plus clair.
Des solutions sur-mesure
Parmi les différents produits de l'offre de services "Pass" que développe la marque Ambition d'Entreprendre Artisanat Grand Est, la CMA propose deux formules adaptées à la question de l'export. Le PASS thématique « export », tout d’abord, établit un diagnostic approfondi des entreprises qui souhaitent améliorer ou renforcer leur performance à l’export, par le biais d’un état des lieux et l’élaboration d’un plan de progrès. « Grâce à des entretiens individualisés (d’abord en entreprise, complétés d’échanges ou d’entretiens téléphoniques), nous établirons quelles sont vos forces et vos faiblesses. Cela nous permettra de faire une synthèse sur votre capacité à exporter, et de vous soumettre nos préconisations. Vous pourrez ainsi valider le potentiel de votre offre et bénéficier de conseils adaptés à vos besoins », explique Cécilia Kieffer.
Dans un second temps, le PASS actions "export" correspond à la mise en œuvre de ces préconisations et vise à initier des démarches concrètes pour améliorer la performance de votre entreprise. « La CMA reste aux côtés de l’artisan et l’aide sur des points très concrets : établir un business plan export, calculer le coût de ses produits, mettre en place des documents de commercialisation, développer un glossaire dans la langue du pays visé… », précise la conseillère. Cette phase, très souple, comprend en moyenne 14 heures d’accompagnement. Et, bonne nouvelle : « les PASS sont entièrement pris en charge par nos partenaires (le fonds européen Feder ; la Région Grand Est ; la Chambre de Métiers d’Alsace ; la CRMA Grand Est) ».
Autre nouveauté proposée par la CMA, des ateliers collectifs dans le territoire, en fonction des besoins et des opportunités. « Ici, la pédagogie est plus orientée sur le coaching et nous nous déplaçons au plus près de la demande. Ce sont des formats courts, en petits groupes, durant lesquels nous abordons des thèmes très ciblés », indique Cécilia Kieffer.
- Prochains rendez-vous : « Gérer une commande dans l’Union européenne ou à l’export », le 7 novembre à Schiltigheim (de 14 à 16 h) ; le 15 novembre à Colmar (de 10 à 12 h) et à Mulhouse (de 14 à 16 h). Et, si votre projet est déjà bien solide et que vous visez des horizons plus lointains, la Chambre de Métiers d’Alsace vous donne la possibilité, grâce à son réseau, d’intégrer des programmes dédiés comme Be Est Export de la Région Grand Est, qui propose certaines subventions, ou son "bras armé", la Team France Export, qui réunit désormais Bpifrance et CCI France sous une bannière commune : Business France.
Questionnaire export
Pour nous aider à mieux répondre à vos attentes concernant vos projets et besoins
à l’export, merci de bien vouloir répondre au court questionnaire mis en ligne par la Chambre de Métiers d’Alsace : www.cm-alsace.fr/enquete_export_2019
Et du côté des apprentis ?
Pour les jeunes Alsaciens, aussi, les opportunités offertes par nos voisins sont nombreuses ! « En Allemagne, il y a une vraie culture de l’apprentissage (tout au long de la vie d’ailleurs). Certains métiers y sont très porteurs : menuiserie-ébénisterie, automobile, facture d’orgues… C’est l’occasion de devenir un bon technicien tout en développant autonomie et curiosité. Seuls prérequis : avoir déjà des bases en langue et une grande motivation ! », souligne Frédéric Leroy, chargé de mission apprentissage transfrontalier.
Le dispositif de l’apprentissage transfrontalier dans le Rhin Supérieur offre la possibilité aux apprentis de réaliser la partie pratique de leur apprentissage chez un employeur allemand, tout en suivant la partie théorique dans un CFA du Grand Est. « La Région prend en charge les coûts de formation du CFA, puisque les entreprises allemandes ne sont pas soumises à la taxe d’apprentissage. » Les entreprises d’accueil doivent toutefois se situer dans un périmètre précis : le Rhin Supérieur allemand (Pays de Bade, en Bade-Wurtemberg ; Palatinat du Sud, en Rhénanie-Palatinat), quel que soit le diplôme visé, et la Sarre, du CAP au BTS.
« Le droit du travail en vigueur sera celui du pays où est implantée l’entreprise, mais le diplôme délivré est, lui, bien français. », explique Frédéric Leroy. L’entreprise signe avec le CFA une convention de partenariat qui porte sur le contenu pédagogique de la formation, son organisation et les modalités financières. « Les rythmes sont différents en Allemagne (temps de travail plus long, moins de théorie…) mais ils s’adaptent aux conditions de fonctionnement du CFA et d’obtention du diplôme français (calendrier d’alternance, contenus pédagogiques, etc.) », précise le chargé de mission. La rémunération mensuelle est généralement convenue soit d’un commun accord entre le candidat et l’entreprise (pour les diplômes supérieurs), soit en fonction des conventions collectives de la branche professionnelle, qui établit les grilles salariales (du CAP au BTS). L’Ofaj** propose une bourse – 100 € par mois sur 10 mois d’une année de formation (soumise à conditions : ofaj.org) – cumulable avec d’autres aides.
Vous êtes apprentis français et souhaitez tenter cette expérience, à l’instar des quelque 500 jeunes ayant déjà signé un contrat d’apprentissage transfrontalier ? Anticipez, car les entreprises allemandes recrutent bien plus tôt qu’en France : certaines vont jusqu’à finaliser le recrutement 1 an avant le démarrage de l’alternance !
Pour l’Alsace, 2 chargés de mission « apprentissage transfrontalier », rattachés à la Bundesagentur für Arbeit et au réseau EURES-T Rhin Supérieur, sont à votre disposition à Kehl pour vous informer sur le marché de l’emploi et vous conseiller dans le montage de votre dossier et la recherche d’une place d’apprentissage.
** Office franco-allemand pour la jeunesse.
Sarah Seitz et Frédéric Leroy
03 67 68 01 00 - conseil@eures-t-rhinsuperieur.eu
Plus d’infos : reussirsansfrontiere.eu
www.eures-t-rhinsuperieur.eu/apprentissage
www.alternance.emploi.gouv.fr
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