Premier bilan pour la loi Avenir Pro
En juin 2017, Bercy nouait un "contrat de confiance" avec le réseau des Chambres de métiers et de l'artisanat. Un an et demi après, que reste-t-il de cette promesse ? Réunis à Paris en Assemblée générale, les élus des CMA ont accueilli cette fois la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, avec pour perspective de tirer un bilan des réformes de l'apprentissage, de la formation et du code du Travail.
Paralysie et moral en berne
Un programme chargé... Et un contexte tendu, auquel n'a pas manqué de faire référence Bernard Stalter. Dans ses propos liminaires, le président de l'Assemblée permanente des Chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) a mentionné "le ras-le-bol qui a généré la violence". "Le gilet devient rouge, rouge colère", a-t-il ainsi imagé, évoquant "l'inquiétude des artisans concernant la hausse du carburant et des taxes", ainsi que leur "double peine" : "les blocages asphyxient notre économie de proximité, dans une période qui devrait être pour beaucoup d'entre nous une des plus fastes de l’année".
Côté moral, la morosité semble avoir pris le dessus : "on n’a plus envie de faire la fête, de se retrouver, de consommer". Des baisses "de 30 à 60 % de CA ont été constatées" consécutivement aux actions des Gilets jaunes, impactant très durement les entreprises les plus fragiles. "Le fonds de calamité des CMA a été adapté pour venir en aide aux artisans les plus touchés. Je voudrais d'ailleurs adresser une pensée particulière au président de la CMA de La Réunion, Bernard Picardo (...) En outre, beaucoup comme moi ont appelé au calme et je les en remercie", a développé Bernard Stalter.
Gare à ne pas "tirer sur la corde"
Les Chambres de métiers et de l'artisanat sont des "corps intermédiaires essentiels à notre démocratie", qui permettent de "dialoguer avec l'Etat" et de "remonter les attentes du terrain". Face à la proportion de CMA en déficit, Bernard Stalter a alerté : "il faut repenser le modèle, réagir et être pragmatique" dans un esprit de rationalisation. "Arrêtons de réduire les moyens des CMA", a-t-il par ailleurs lancé à l'adresse de Muriel Pénicaud, dénonçant au passage l'impact négatif de la Loi de finances de 2019.
"Fin du SPI, de l’enregistrement des contrats d'apprentissage, écrêtement de nos ressources fiscales (...) Nous avons l’impression de jouer à 'Qui veut perdre des millions ?'", a aussi ironisé le président de l'APCMA. "La situation est tendue : attention à ne pas trop tirer sur la corde..."
Acteur de première heure de la réforme de l'apprentissage, le réseau des CMA ne baissera pas la garde. "L’effort sera fait par les CFA et non par des bureaux à Paris", a ainsi prévenu Bernard Stalter.
"Métropolisation" et déclassement
"Soyons lucides, ça vient de loin" : pour Muriel Pénicaud, la crise du pouvoir d'achat n'est que le corollaire d'un phénomène "insidieux", nourri de "l'éloignement des centres de décision, et des sentiments d’isolement ou de déclassement". "Cette métropolisation n’est pas nouvelle : ce qui se produit aujourd'hui est la soupape de choses qui sont arrivées il y a longtemps", a-t-elle maintenu.
"Les artisans aussi ont porté un gilet jaune... Jaune 'détresse' (...) Mais les dérives du mouvement ont hélas provoqué une perte sèche dans les métiers de bouche ou encore dans le bâtiment", a déploré la ministre du Travail. "La liberté d’entreprendre, d’agir, de se déplacer, sont en jeu", a-t-elle argumenté.
Pour aider les entreprises lésées, le gouvernement a débloqué 9 millions d’euros pour financer les mesures d'activité partielle (chômage technique). "Les dossiers sont étudiés en 24 heures", a assuré la ministre.
Apprentissage : cap sur l'organisation
Le sujet des Gilets jaunes abordé, Muriel Pénicaud a rapidement embrayé sur les bons points de son ministère. "Pour la première fois, en juin dernier, nous avons enregistré 45% de plus de demandes d’apprentissage à la sortie de classe de Troisième", s'est-elle satisfait.
La ministre du Travail a mis en exergue "la grande utilité" des CFA multimétiers et CFA ruraux, reconnaissant les compétences des CFA de CMA et leur engagement dans la formation des jeunes. 250 millions d’euros seront fléchés vers les CFA "qui ont de petites sections", a-t-elle précisé.
L'Education nationale, elle, n'aura pas le choix : elle sera partie prenante. "Pour découvrir un métier, une fiche ne suffit pas... C’est la rencontre qui compte", a insisté Muriel Pénicaud, citant ses expériences sur le terrain. Professeurs et entreprises seront donc mis à contribution pour permettre d'ouvrir les métiers aux collégiens (54h de découverte in situ par an).
Opérateurs de compétences : une "co-construction"
Au-delà du rappel des mesures de la loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel", Muriel Pénicaud a souligné l'engagement de son ministère pour l'accès à la formation des salariés de TPE. "Seul 1 salarié sur 3 est engagé dans une formation dans les TPE, contre 2 sur 3 dans les plus grandes entreprises", a-t-elle déploré, assurant que des "formes compatibles avec les rythmes de travail des petites entreprises seront trouvées".
Au sujet des opérateurs de compétences, l'heure est au rassemblement et au travail. "Nous co-construirons nos référentiels de compétences", a insisté Muriel Péniacud, saluant l'action des organisations professionnelles de l'artisanat et du réseau des CMA. Prochaine échéance : 1er avril 2019. A cette date, l'Etat devra avoir défini des conventions d’objectifs et de moyens avec les nouveaux opérateurs de compétences et délivrera les nouveaux agréments...
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