Embauche d’apprentis : l’aide unique de 6000€ maintenue en 2024
Soulagement pour les employeurs d’apprentis : la prime unique pour l’embauche d’un jeune en alternance est maintenue en 2024. Et ses conditions restent inchangées : 6.000€, quelle que soit l’entreprise ou l’âge de l’apprenti. Une bonne nouvelle que Carole Grandjean, la ministre en charge de l’Enseignement et de la Formation professionnels, a réservé à l’auditoire des 1res Assises de l’apprentissage organisées ce 7 novembre par CMA France, la tête de réseau des chambres de métiers de l’artisanat.
Un scénario abandonné
Ce n’était pourtant pas gagné : Bercy était en quête depuis plusieurs semaines d’économies pour équilibrer le budget de l’État 2024. La révision à la baisse de cette prime était dans la balance.
Scénario envisagé : accorder cette aide de 6.000€ uniquement pour l’embauche d’apprentis des niveaux Bac+2 et infra, soit 700 M€ en plus dans les caisses publiques.
Le risque ? Freiner la belle progression de l’alternance dans l’enseignement supérieur, locomotive du développement de l’apprentissage depuis la mise en place de ce coup de pouce. Et renoncer au cap du million d’apprentis, si cher à l’exécutif.
Un modèle intenable financièrement
Cet objectif, atteignable au vu des 830.000 apprentis formés en 2022 et aux chiffres optimistes de 2023, "ferait de la France le pays phare de l’apprentissage", selon Carole Grandjean… mais n’est plus tenable financièrement d’après les calculs de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Surtout sans une augmentation de la contribution formation des entreprises.
En 2023, le financement de l’apprentissage a représenté 21 milliards d’euros (soit beaucoup plus que la part représentée par les seuls versements de France Compétences). A elle seule, l’aide unique à l’embauche a demandé un effort de 4,5 milliards d’euros, ce qui a permis de faire passer le coût moyen annuel d’un apprenti de 14.000€ en 2017 à 22.000 cinq ans plus tard… et donc à créer des effets d’aubaine pour les employeurs !
"Cela n’était jamais arrivé auparavant"
Pour Bruno Coquet, spécialiste du marché du travail au sein de l’OFCE, cette aide représente "la prise en charge complète de la rémunération de l’apprenti pendant un an. Cela n’était jamais arrivé auparavant".
Toujours selon l’expert, pour rééquilibrer les comptes publics, il faudrait envisager un retour à un système d’aides ciblées tenant compte de l’âge des alternants, du diplôme visé ou de la taille des entreprises d’accueil – conditions qui s’appliquaient en 2018, avant que le Covid ne contraigne le gouvernement à ouvrir en grand les vannes des aides à l’embauche pour ne pas briser la dynamique de l’apprentissage – ou renoncer tout simplement à l’objectif du million d’apprentis…
Côté employeurs, l’U2P, par la voix de son vice-président Laurent Munerot, se dit prête à soutenir le maintien des aides aux "seules entreprises de moins de 50 salariés", s’il le faut. Les avis sont moins tranchés dans les autres confédérations patronales pour l’instant.
La question des NPEC
La question du poids de l’alternance pour les finances publiques revient régulièrement sur la table.
En 2022 et 2023, deux coups de rabots successifs sur les niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d’apprentissage ont déjà permis à l’État de réduire sa facture d’environ 840M€. Sans craindre, au passage, de mettre certains cursus en danger. Pour exemple, dans le périmètre de l’Opco EP, l’opérateur de compétences des entreprises de proximité, si la baisse totale du coût des contrats se limite à 7%, elle s’élève à 25% dans la seule branche des combustibles et à 18% dans celle des prothésistes dentaires.
Mais les coûts-contrats ne représentent pas l’intégralité des "coûts CFA". Avant 2018 et l’entrée en vigueur de la loi pour choisir son avenir professionnel, ces coûts étaient en partie compensés par les Régions qui prenaient à leur charge une part dans les investissements immobiliers. "Aujourd’hui, ces frais ne sont pas pris en compte partout de la même façon", souligne Arnaud Muret, directeur de l’Opco EP.
La question des coûts-contrats, calculés par les branches professionnelles et jugés parfois trop généreux, reste un point de discorde entre employeurs et gouvernement. Notamment pour les formations dites "transverses", qui touchent plusieurs secteurs – RH, informatique, comptabilité, fonctions supports… – mais dont les coûts sont pourtant déterminés branche par branche, avec des différentiels parfois sensibles.
L’idée de NPEC "socles" dont la valeur unifiée serait modulable par la suite en fonction des besoins des établissements de formation et ceux des entreprises, fait son chemin.
D’ailleurs, le gouvernement convoquera prochainement partenaires sociaux, réseaux consulaires (CMA, CCI), Opco et acteurs de la formation à une grande concertation afin de définir les nouveaux contours du financement de l’apprentissage.
Cette consultation devrait se tenir entre la fin 2023 et, a priori, mai 2024. Si ses conclusions satisfont le gouvernement, elles pourraient être déclinées dans la loi, via le projet de loi de finances 2025, ou par le biais d’un véhicule législatif adapté. Un temps de concertation pendant lequel l’exécutif s’est engagé à ne pas toucher aux NPEC.
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