Présidentielle 2017

Le programme d'Emmanuel Macron

Le 31/03/2017
par Propos recueillis par Samira Hamiche
En exclusivité pour Le Monde des Artisans, Emmanuel Macron, candidat d'"En marche !", livre les grandes lignes de son programme à destination des artisans.
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Emmanuel Macron

Le Monde des Artisans : En termes de fiscalité, quels dispositifs incitatifs entendez-vous mettre en place pour favoriser l’installation de TPE et PME artisanales et ainsi maintenir l’emploi en France, sur tout le territoire ?

Emmanuel Macron : Nous supprimerons les charges des microentreprises la première année d’activité et doublerons les plafonds pour permettre à plus d’entreprises de bénéficier de cette mesure et du régime fiscal de la microentreprise. Nous permettrons chaque année à tous les artisans et commerçants d’opter ou non, selon leurs besoins, pour le régime fiscal de la microentreprise. Les PME familiales sont essentielles au dynamisme de notre tissu productif et à la création d’emplois. Elles seront gagnantes de la suppression de l'ISF, dont les règles relatives à l'exonération des biens professionnels constituaient pour beaucoup de chefs d'entreprise un véritable casse-tête. Cet impôt est un frein à la transmission des entreprises, à l'augmentation de leur capital, au réinvestissement des bénéfices. En outre, la réforme de la fiscalité des revenus du capital, notamment les dividendes et plus-values mobilières, avec l'instauration d'une taxation forfaitaire de l'ordre de 30%, allègera la pression sur les associés ou actionnaires de ces PME. Le financement en fonds propres des entreprises en sera facilité. Parallèlement, je défendrai le maintien des incitations fiscales à l'investissement dans le capital des PME (PEA PME, réduction d'impôt à l'IR pour souscription au capital des PME). Enfin, la baisse du taux de l'IS à 25 % profitera à hauteur de plus de 3 Md€ à toutes les PME qui ne profitent pas déjà du taux réduit.

LMA : Estimez-vous que le RSI doit être réformé ? Si oui, de quelle manière et selon quel calendrier ?

E. M. : La création d’entreprises atteint en France un niveau élevé : nous sommes un pays entreprenant ! Mais les obstacles demeurent trop nombreux à la croissance des entreprises. Il faut que notre système de protection sociale réponde mieux aux besoins des entrepreneurs, des artisans et des créateurs d’entreprises. Le régime social des indépendants (RSI) est trop compliqué et ses procédures mal faites. Sans remettre en cause les spécificités des indépendants, en termes de niveau de cotisations, nous supprimerons la caisse qui gère le RSI pour l’adosser au régime général, afin que tous bénéficient de la même qualité de service. Et nous réduirons nettement les charges qui pèsent sur les indépendants (professions libérales, commerçants, artisans, agriculteurs).

LMA : Considérées comme des "voies de garage", les filières d’apprentissages souffrent d’une mauvaise image. Pourtant, elles recèlent de talents et leur taux d’employabilité est élevé, à l’inverse de nombre de filières universitaires. Si vous êtes élu, que ferez-vous pour valoriser ces filières et faire évoluer les mentalités ?

E. M. : L’apprentissage doit impérativement être revalorisé. L’excellence ne concerne pas que les filières académiques ! Le lycée professionnel est le grand oublié du débat public, il concerne pourtant un tiers des bacheliers. Alors que l'apprentissage favorise la réussite aux examens et l'intégration sur le marché du travail, moins d'un lycéen professionnel sur 5 obtient aujourd’hui son diplôme en apprentissage. Le taux de chômage varie pourtant presque du simple au double selon que le bac professionnel a été obtenu en apprentissage ou non. Nous proposons donc un effort massif pour l’alternance et l’apprentissage. Nous développerons les périodes de préapprentissage à la fin du collège, afin que chaque jeune, même celui qui rencontrerait d’importantes difficultés scolaires, puisse réussir son apprentissage. Cette ambition se matérialisera par le développement de formations en alternance dans toutes les filières proposées en lycée professionnel. Les bacheliers professionnels qui souhaiteraient poursuivre ensuite leur formation dans l'enseignement supérieur pourront désormais préparer des licences professionnelles en trois ans et en alternance – et non pas seulement en troisième année comme cela est le cas actuellement. Ce développement de l'alternance s’accompagnera de dispositifs ambitieux de suivi et d’accompagnement afin d’enrayer les taux encore très importants de rupture des contrats d’apprentissage dans les premières semaines. Nous rendrons les règles de l’apprentissage plus simples, plus transparentes et plus lisibles pour les entreprises comme pour les jeunes. Pour cela, nous rassemblerons les aides et subventions existantes dans une aide unique qui sera fonction de la taille de l’entreprise et du niveau de qualification de l’apprenti. Nous développerons pour les entreprises un guichet unique permettant d’enregistrer le contrat d’apprentissage et la demande des aides. Enfin, nous ferons converger les deux contrats existants (apprentissage et professionnalisation) et impliquerons pleinement les branches professionnelles dans la définition des programmes et l’organisation des formations.


LMA : Aujourd’hui, pour exercer la plupart des métiers de l’artisanat, un diplôme est requis, qui valide les compétences et savoir-faire. Or, la Loi Sapin 2 a failli signer la fin de cette obligation de qualification professionnelle, ouvrant la porte à la libéralisation totale de certains métiers. Pensez-vous qu’un coiffeur, un mécanicien ou un boulanger puissent se passer de diplômes ?

E. M. : L’important est avant tout de sortir des caricatures. Il est possible de préserver les atouts de l’artisanat et les savoir-faire tout en valorisant notre potentiel de créations d'emplois. Il n’est pas question de supprimer l'exigence de qualification pour devenir artisan. Mais nous devons moderniser le système de qualifications. Pour cela, il faut d’abord renforcer les qualifications, pour permettre la montée en gamme. Cela passe par une meilleure valorisation de l’excellence et par des écoles mieux adaptées. Nous devons reconnaître et mettre en valeur l’excellence. Mais la condition de l'excellence, c'est avant tout la compétence, qui peut également s'acquérir par l'expérience. Il faut aussi savoir reconnaître que dans nombre de situations, nous avons créé des contraintes réglementaires qui ne sont pas justifiées et qui ne correspondent d’ailleurs pas à l'esprit de la loi de 1996. Dans ces cas, nous devons être capables, de manière pragmatique, de simplifier les choses et de les améliorer.

LMA : Pour vendre, communiquer, effectuer leurs démarches… Les outils numériques sont devenus indispensables aux entreprises artisanales. Comment les aider à réaliser leur transition numérique, et assurer l’égalité d’accès à Internet sur tout le territoire ?

E. M. : La transition numérique emporte des transformations radicales dans nos manières de produire, de consommer, de vivre ensemble. C’est l’ensemble de notre organisation sociale qui est redéfinie. Et cela touche bien évidemment les artisans comme toutes les autres professions. Le numérique s’est installé dans les foyers français et permet de nouveaux usages. Mais les Français n’ont pas tous le même accès à Internet. Les territoires ruraux ne sont pas tous couverts par le très haut débit. Il s’agit d’une inégalité fondamentale : sans connexion rapide, leurs habitants et leurs entreprises n’ont pas le même accès à l’information, aux loisirs et aux opportunités de la nouvelle économie. Pour les entreprises et notamment les entreprises artisanales, leur développement numérique est inégal et plutôt insuffisant. En 2015, une PME tricolore sur trois ne possède pas de site web alors que neuf entreprises allemandes de taille comparable sur dix en ont un. Les pouvoirs publics ont un rôle essentiel : celui d’accompagner cette transition en faisant en sorte que chacun y trouve sa place et ne reste pas au bord du chemin. C’est pourquoi j’entends lutter contre les inégalités d’accès au numérique. Nous couvrirons en très haut débit l’ensemble du territoire. Ce sera fait d’ici la fin du quinquennat, pour ne laisser aucun territoire à la traîne dans la transition numérique. Nous éliminerons les zones sans réseau ("zones blanches"). Les opérateurs devront y apporter la 4G et améliorer la couverture en doublant le nombre d’antennes mobiles. L’État soutiendra cette initiative en consentant des conditions économiques favorables sur les redevances d’utilisation des fréquences hertziennes. S’ils ne tiennent pas leurs objectifs, les opérateurs pourront être sanctionnés financièrement. Enfin, nous aiderons les TPE et les PME à réussir leur transformation numérique et à vendre en ligne, y compris à l’international. Il s’agira de lancer un plan de numérisation autour d’une marque forte (à l’instar de la French Tech). La mise en œuvre s’appuiera sur leurs interlocuteurs de proximité, comme les experts-comptables et les centres de gestion agréés, avec un soutien de l’État et des Régions, des chambres de commerce et des chambres de métiers, de Bpifrance et de La Poste. Parallèlement, nous développerons la formation aux outils numériques : formation continue des cadres dirigeants ou parcours simplifiés pour se lancer dans le numérique. Les entreprises qui s’engageront dans des transformations ambitieuses exigeant de conduire sur une période de temps limitée une requalification de leurs salariés bénéficieront d’un accès privilégié à la formation professionnelle.

LMA : La multiplication de plateformes de service comme Uber instaure une concurrence déloyale face aux artisans. Nous en voulons pour preuve l’exemple emblématique des VTC. Dans un contexte européen, comment légiférer pour encadrer les prix et les prestations sur Internet ?

E. M. : Il faut reconnaître que les plateformes de service ont apporté des avancées pour le consommateur. Tout l’enjeu est de lutter contre les abus sans pour autant empêcher la création de nouveaux services. Pour cela, il faut d’abord utiliser l’ensemble des outils déjà disponibles (droit de la concurrence, protection des consommateurs) pour lutter impitoyablement contre toutes pratiques déloyales ou abusives. L’Europe est l’espace pertinent pour aller plus loin. Ainsi, nous proposerons la mise en en place d'une Agence européenne pour la confiance numérique, chargée de réguler les grandes plateformes numériques pour garantir la protection des données personnelles et la loyauté de leur fonctionnement. Nous nous battrons également, au niveau européen, pour que la concurrence fiscale soit équitable. Le contournement des obligations fiscales par l’installation dans un pays tiers ne doit plus être possible dans l’Union. Les grands acteurs numériques doivent payer l’impôt comme les autres et contribuer au financement des charges communes puisqu’ils bénéficient, comme les autres, des services publics. C’est pourquoi nous avons proposé une taxe sur le chiffre d’affaires réalisé dans nos pays pour des prestations de service électronique.

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