Défaillances d'entreprises : favoriser l'anticipation et la prévention
Mise en place par le garde des Sceaux Éric Dupont Moretti en septembre 2020, après que la Covid se soit déjà largement abattue sur les TPE, la mission "justice économique" avait pour objectif d'engager une réflexion sur "le rôle de l'institution judiciaire, à l'égard des entreprises en difficulté et, en particulier, sur la question de l'accompagnement des personnes physiques, entrepreneurs individuels, exploitants agricoles et dirigeants d'entreprises".
Fort de cette lettre de mission, Georges Richelme, ancien président de la Conférence générale des juges consulaires de France, a remis son rapport le 19 février 2021 aux ministères de la Justice et de l'Économie.
Il y formule plusieurs propositions pour détecter les difficultés des entreprises le plus en amont possible, accompagner les entrepreneurs en proie à des problèmes économiques et les guider vers les procédures de prévention appropriées.
Des signaux faibles à rapprocher des greffes des tribunaux de commerce
La mission propose d'utiliser le dispositif d'État "Signaux faibles". Actif depuis 2019, cet outil de détection, fruit de l'intelligence artificielle, détecte le risque de défaillance des entreprises à 18 mois.
La mission propose de rapprocher le système de celui des greffes, afin que les tribunaux aient accès aux informations avant que le commerçant ou l'artisan ne viennent réaliser sa déclaration ou s'inscrire au greffe.
Le rapport suggère la mise en place de juges spécialisés au sein de ces juridictions, et va jusqu'à proposer de désigner un juge de la prévention par département.
Il s'attaque également aux frais financiers liés aux procédures et recommande à cette fin de mieux informer les entrepreneurs sur les aides possibles, à l'image du fonds de premier secours créé dans les Hauts-de-France.
→ Ce dernier prend en charge financièrement les frais de ces procédures.
Détecter les difficultés
Les auteurs du rapport insistent sur la nécessité de plus et mieux informer les artisans, commerçants et dirigeants de TPE sur les procédures qui s'offrent à eux.
Au quotidien, ils ont "le nez dans le guidon" et ne disposent souvent, pour les alerter, que de leur seul comptable.
Ce n'est malheureusement pas toujours suffisant pour percevoir la gravité de la situation économique et financière de leur structure, l'accepter et y remédier.
La mission propose la création de "points justice" ou encore une centralisation des informations sur un portail dédié. Elle suggère également que les créanciers qui sollicitent un paiement fassent preuve de pédagogie et informent le débiteur sur les possibilités de recours qui s'offrent à lui.
Accompagner plutôt que d'enfoncer
S'agissant de l'accompagnement, la mission privilégie le recours à des personnes qualifiées, en s’inspirant des pratiques mises en place par certaines régions.
Il s'agit de faciliter l’assistance par des associations et de développer les expériences existantes de prévention des situations de détresse psychologique, comme le dispositif Apesa.
Ce dernier permet de former les professionnels (greffiers, juges, mandataires…) à réagir face à la souffrance morale des chefs d'entreprise et de leur proposer un suivi psychologique gratuit.
Au cœur de tout dispositif, il n'y aura jamais que l’artisan ou le commerçant lui-même. Avant de l'accompagner, il s’agira pour lui de franchir une étape essentielle : la prise de conscience du risque de défaillance et son acceptation.
Alors, et alors seulement, les recommandations et autres propositions pourront être couronnées de succès.
Lors de la réception du rapport, Éric Dupont Moretti, ministre de la Justice, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, chargée de l’Industrie, et Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, chargé des Petites et Moyennes Entreprises ont déclaré que ces recommandations allaient faire l'objet d'une étude approfondie. À suivre…
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