Jean-Baptiste Lemoyne : "Un ministère du quotidien qui concerne tous les Français"
Vous avez repris le ministère des PME suite au départ soudain d’Alain Griset et pour quelques mois seulement. Comment vous êtes-vous emparé de ce nouveau portefeuille ?
Avec l’envie de bien faire. Ce ministère est doublement formidable. C’est un ministère du quotidien qui concerne tous les Français, qu’ils soient entrepreneurs ou consommateurs. Les indépendants, TPE et PME sont au centre de nos vies quotidiennes.
"C’est aussi un ministère qui porte des valeurs fortes : l’esprit d’entreprise, le patriotisme économique, les savoir-faire à la française… Ce sont des valeurs que je chéris et qui nous obligent."
Mon premier chantier a été de mener à bon port les chantiers ambitieux initiés par le Président de la République, en particulier le projet de loi relatif à l’activité professionnelle indépendante.
Quels ont été vos liens jusqu’ici avec l’Artisanat (que ce soit dans votre parcours professionnel ou même personnel) ?
D’abord comme client ! J’ai toujours eu à cœur de "faire travailler" les artisans de l’Yonne parce que l’Artisanat c’est l’économie à visage humain !
Comme élu de ce département aussi, je connais bien l’importance des entreprises artisanales pour un territoire. La boulangerie, la boucherie, le salon de coiffure ou l’entreprise de bâtiment sont autant d’entreprises sans lesquelles il n’y aurait pas de vie dans nos villes et villages. Au-delà de l’activité, des emplois et des valeurs qu’ils créent, les artisans sont des créateurs de lien social.
"Et puis, je le vois depuis bientôt cinq ans, en tant que ministre du Tourisme, de la Francophonie et des Français de l’étranger, les métiers de l’Artisanat sont de formidables ambassadeurs du rayonnement français."
L’excellence, les savoir-faire et l’art de vivre qu’ils portent incarnent l’image de la France à l’étranger. Par exemple, que serait la France sans la gastronomie bleu-blanc-rouge incarnée par nos artisans de la restauration et des métiers de bouche ?
Depuis bientôt trois mois, vous échangez régulièrement avec les représentants d’organisations professionnelles. Quelles sont leurs principales préoccupations et les priorités à mettre en œuvre selon vous ?
Toutes les décisions que nous avons prises dans le cadre du Plan Indépendants font écho aux préoccupations des artisans, commerçants, professionnels libéraux… exprimées par les organisations professionnelles.
La protection du patrimoine personnel et la facilitation des transmissions-reprises d’entreprises sont sans doute les plus emblématiques.
Avec la crise sanitaire, les professionnels attendaient de l’État qu’il soit à leurs côtés. Nous avons été au rendez-vous et avons su adapter nos dispositifs à l’évolution constante des besoins.
Dernier exemple en date, le dispositif que nous avons mis en place avec Bruno Le Maire pour aider les entreprises à faire face au remboursement de prêt garanti par l’État avec la possibilité de rallongement à huit ou dix ans en passant par la Médiation du crédit.
Votre prédécesseur, Alain Griset, a été l’un des architectes du vaste Plan en faveur des indépendants, très attendu par les professionnels et adopté le 8 février dernier. Son entrée en vigueur complète sera-t-elle effective avant la fin du quinquennat ?
Une partie des mesures du Plan Indépendants, celles votées dans le cadre de la Loi de finances 2022 et de la Loi pour le financement de la Sécurité sociale 2022, sont déjà entrées en vigueur au 1er janvier. Je pense notamment aux mesures fiscales prises pour dynamiser la transmission et la reprise des entreprises.
Le vote définitif du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante mardi 8 février a ouvert la voie à la promulgation et à l’entrée en vigueur des mesures annoncées dans le cadre du Plan Indépendants.
"Je suis très fier d’avoir porté ce texte au Parlement. C’est une grande loi de la République qui allie protection et liberté et qui, j’en suis sûr, apporte des réponses concrètes aux indépendants et va susciter des vocations d’entrepreneurs !"
La mesure phare de ce plan est la création d’un "statut unique de l’entrepreneur individuel" qui serait plus protecteur : pouvez-vous nous dire en quoi ?
La création de ce statut unique pour l’activité en nom propre, l’entreprise individuelle (EI), permettra de mieux protéger le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.
Depuis 2015, il n’est plus possible de saisir la résidence principale. Avec notre réforme, nous allons plus loin : c’est l’ensemble du patrimoine personnel qui sera protégé.
Nous le rendons par défaut insaisissable par les créanciers professionnels, sauf si l’entrepreneur en décide autrement. Ainsi, seuls les éléments utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur pourront être saisis en cas de défaillance professionnelle.
C’est une avancée juridique considérable qui permet d’éviter la "double peine" pour l’entrepreneur qui, en plus de difficultés professionnelles, devait gérer un risque sur son patrimoine personnel.
Par ailleurs, cette réforme offrira aux entrepreneurs individuels la faculté d’opter pour un assujettissement à l’impôt sur les sociétés et leur permettra de faire évoluer plus aisément leur activité en passant de l’entreprise individuelle à la société.
S’agissant des travailleurs des plateformes (type Uber Eat, Deliveroo), pourquoi la France ne leur garantit-elle pas un niveau minimal de rémunération ? Pourquoi n’applique-t-elle pas les critères d’employabilité fixés par la commission européenne, surtout à l’heure où la France est présidente de l’Union ?
Durant le quinquennat, la France a adopté de nombreuses dispositions en faveur des travailleurs recourant aux plateformes. Nous avons fait le choix du dialogue social pour faire progresser des sujets tels que la rémunération des prestations des travailleurs indépendants.
En décembre dernier*, la Commission européenne a rendu publique une proposition de directive relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme.
La France, qui préside l’Union européenne pour six mois, a pour objectif de faire avancer les travaux sur ce texte. En tant que Présidente, la France doit prendre en compte la diversité des points de vue des 27 États membres.
Pouvez-vous nous dévoiler "en exclusivité" quelques pistes envisagées suite aux 1res Assises du Commerce qui ont eu lieu en décembre dernier ?
Ces Assises du Commerce ont été un succès : pendant trois semaines, plusieurs dizaines de fédérations et des centaines de commerçants ont planché sur l’avenir du Commerce. C’est un exercice inédit qui suscite beaucoup d’espoirs !
Les conclusions de ces travaux nous ont été présentées le 10 janvier dernier, avec des mesures ambitieuses.
Avec Bruno Le Maire, nous avons, sur cette base, formulé des propositions au Président de la République et au Premier Ministre. Je vous demande un peu de patience, le travail se poursuit.
"Ce qui est sûr, c’est que nous voulons prendre des mesures qui permettent d’éviter une "décommercialisation" comme nous avons connu dans le passé une désindustrialisation."
Cela passe par de l’équité, et par un travail au plus près des territoires. Nous avons déjà baissé les impôts et structuré des démarches comme Action Cœur de Ville. Il faut continuer, en allant encore plus loin.
* La commission européenne a proposé, le 9 décembre dernier, un ensemble de mesures ayant pour objectif de "garantir des conditions de travail décentes pour tous ceux dont le revenu dépend de ce modèle de travail".
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