Entreprises en difficulté : en finir avec les préconçus
Concrètement… Comment définir ce qu'est "une entreprise en difficulté" ?
Tout d’abord, une entreprise en difficulté n’est pas nécessairement une entreprise en redressement judiciaire ou en procédure de sauvegarde. C’est une entreprise qui pendant quelques années consécutives – 3 ou 4 ans en général - a soit des difficultés de trésorerie (même si elle fait des bénéfices tous les ans), soit conserve de la trésorerie mais enregistre de plus en plus de pertes. Dans le premier cas, l’entreprise va juste devoir chercher un financement extérieur pour reconstituer sa trésorerie. Dans le second, elle va cumuler les pertes jusqu’à mettre à mal son « trésor de guerre », ce qui va être plus compliqué… Car c’est la performance-même de l’entreprise qui est en cause.
Est-il possible à ce jour de les identifier ou recenser précisément ?
Non, car il n’y a pas de statistiques complètes. Les chiffres portent généralement sur les dossiers des tribunaux : redressement judiciaire, liquidation ou procédures de sauvegarde, qui restent trop limités comparé à la réalité du terrain.
Quels facteurs dissuadent le plus souvent les repreneurs d’entreprises artisanales en difficulté ?
Il y a souvent la particularité du métier, lorsqu’il est considéré en voie de disparition ou qu’il est trop technique. Les repreneurs ne se sentent alors pas à la hauteur. Il est vrai que certains métiers de l’artisanat ne sont présents que dans de rares organismes de formation… Ce qui implique qu’on manquera de main-d’œuvre et qu’on ne pourra pas soi-même se former. Parfois, c’est le cédant lui-même qui s’y prend mal et dissuade le repreneur – un salarié ou un apprenti par exemple - en lui disant « tu sais, il faut des années pour maîtriser ce savoir-faire ». Le cédant privilégie souvent quelqu’un qui lui ressemble, qui a le même parcours… Ce qu’il vaut mieux éviter ! Il faut accepter que le repreneur prenne ses marques progressivement et qu’il faille l’accompagner. Enfin, il faut se rappeler que le cédant en fin de carrière est parfois en état de fatigue psychologique et physique : rien ne l’oblige à accompagner le repreneur (convention de tutorat, co-gestion, etc)...
Autre facteur : la mauvaise image de certains secteurs - comme par exemple celui du funéraire (marbrerie, thanatopraxie) - peu attractifs et parfois sujets à des impayés clients élevés. La raréfaction des reprises dans ce secteur est symptomatique de l’impact des préconçus sur la cession-transmission.
« La perception du repreneur est capitale : il peut se dire, plus particulièrement dans l’artisanat, qu’il n’a pas toutes les compétences de gestion pour réussir. » Pierre Maurin
Comment s’informer sur les entreprises artisanales à reprendre ?
Le premier réflexe est de contacter les chambres consulaires concernées, car elles sont souvent au courant de manière officielle ou officieuse de projets de cession et de cessions partielles (co-gestion).
>> Consulter le site de la bourse nationale de cession des entreprises artisanales
Les syndicats professionnels sont également de bons relais. Il existe aussi des plateformes web plus ou moins impliquées dans le service : vérification des annonces, mise en relation des professionnels... A noter que le « risque » est plus élevé sur des annonces libres. Enfin, le bouche-à-oreilles fonctionne également très bien à l’échelle locale : il ne faut pas hésiter à questionner régulièrement son entourage !
Quels sont les principaux pièges à éviter en tant que repreneur ?
Le premier, c’est de juger un dossier de reprise uniquement sur les données comptables et de s’en désintéresser en raison d’un mauvais bilan. Or, ce cas de figure n’empêche pas de redresser l’entreprise. Parfois, le cédant laisse péricliter son entreprise, car une certaine lassitude intellectuelle s’est installée. Malgré tout, le repreneur, bien plus motivé, peut créer un nouvel élan… Et alors, la belle endormie se réveille. Les résultats d’une étude de l’association Cédants et repreneurs d’affaires (CRA) indique que le taux de survie d’une entreprise reprise est supérieur à celui d’une entreprise créée : tout simplement parce que le repreneur arrive avec de nouvelles idées, des compétences et un carnet d’adresses que n’avait pas forcément le cédant.
Autre mauvais réflexe : se dire « je ne connais pas ce domaine d’activité, donc je ne m’y intéresse pas ». Il y a parfois des passerelles qu’on ne soupçonne pas entre les secteurs d’activité. 3e piège : vouloir reprendre une entreprise d’une certaine taille, avec tant de CA. Être trop rigoureux et borné peut nous faire passer à côté d’une bonne affaire sans s’en rendre compte. A noter qu’il n’est pas forcément bon de reprendre une entreprise qui enregistre une importante part de marché, car il faudra fournir beaucoup plus d’efforts pour faire progresser le CA. Alors qu’une entreprise plus humble peut avoir une marge de progression plus importante, surtout s’il a un bon commercial et un bon carnet d’adresses.
Et encore une fois, le CA ne fait pas tout : par exemple, une entreprise artisanale présente sur un marché de niche peut avoir une forte rentabilité, si elle ne se développe pas trop rapidement (au risque d’accroître la concurrence), et/ou qu’elle se positionne sur d’autres niches.
Dernier écueil, et pas des moindres : vouloir reprendre l’entreprise seul et penser qu’on n’a pas besoin d’accompagnement du cédant et d’experts (de chambres consulaires, d’associations, etc.). En général, les repreneurs spécialisés dans un domaine tombent dans ce piège, alors qu’ils devraient plutôt compléter leur bagage. Car être chef d’entreprise, c’est être chef d’orchestre… Ce qui impose de s’entourer de conseillers adaptés.
>> Lire aussi : 10 idées reçues (ou avérées) sur la cession-reprise
Pierre Maurin, Reprendre une PME en difficulté, Afnor Editions, nov. 2018
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